dimanche 26 août 2012

Aux portes de Chine. Luang Prabang, km 12000




Quel délicieux été, à pédaler de concert aux bords du Mékong... Apres les quelques ajustements nécessaires, l'étonnement de ne plus me sentir seule au moment de partir, le rythme à trouver et a adapter, quel bonheur ! Je découvre un pays avec non plus une paire d'yeux, mais deux, ou trois. C'est par cette multitude de regards que le Laos se dévoile, au fil des coups de pédale.
Le Laos, l'un des pays les plus pauvres du monde. Les images que je garde en tête, du sud du pays tout du moins, font mentir celles que font imaginer les études alarmistes qui nous alertent sur ces malheureux qui vivent "sous le seuil de pauvreté"...
Et quoi ? Nous devrions les plaindre, ceux dont la faiblesse serait de réussir à vivre avec moins de deux euros par jour ? Nous devrions les plaindre alors que leur conception de la société, de l'éducation des enfants, aurait plutôt tendance à nous faire rougir.
Ici dans les campagnes, la communauté prend en charge les plus jeunes. A quatre ans, on est souvent sous l'aile de gamins de huit ans. On doit aussi s'occuper des plus petits, ceux de deux ans - sans que le regard bienveillant d'un adulte ne soit jamais trop loin, bien sur. Les enfants qui pullulent sont très tôt rendus responsables - et par la même plus débrouillards, jouissant aussi de l'amour de toute une communauté.
Il n'est pas rare de croiser, sur la route principale, des scooters conduits par une gamine de dix ans tout au plus, concentrée sur la route, les pieds touchant à grand peine les pédales, et a qui s'accrochent comme autant de poussins gouailleurs et courageux une ribambelle de marmots...





L'opulente Asie des rizières que nous traversons, douce et rieuse,  lente et sereine, semble chaque jour nous narguer de sa joie de vivre. Elle que l'on dit stagnante ; entendre : sous-développée.
Au Laos pourtant, les dangers guettent, tapis. Les riches voisins, Chine et Thaïlande qui, eux, n'ont jamais souhaité rater le train du "développement convoitent cette bande de terre léthargique. Petit à petit, parcelle par parcelle, le Laos est racheté, grignoté par les investisseurs intéressés par des gisements prometteurs. Comme autant des verrues fleurissent dans les campagnes des maisons incroyables et kitschissimes et qui attirent à chaque fois notre œil surpris. A Vientiane, Vilayvanh qui nous reçoit nous explique :
"Ces maisons appartiennent souvent à des paysans qui ont accepté de céder leurs terres agricoles à des Chinois, moyennant des sommes exorbitantes. Une fois l'argent encaissé, c'est comme s'ils avaient gagné au loto. Et le but premier, c'est d'abord de se faire construire une maison identique à celle qu'ils voient tous les jours dans les séries thaïes..." Et c'est ainsi que la colonisation économique - et, de plus en plus, culturelle, prend de l'ampleur. Vientiane elle-même croule sous les chantiers d'envergure qui essaiment sur les bords du Mékong. Partout, d’immenses panneaux indiquent à grands coups d'images bien léchées la construction prochaine d'édifices copiant bien souvent les grands immeubles new-yorkais... Et payés bien souvent par les Chinois. Pendant ce temps, le système éducatif et médical stagne à l'état embryonnaire... Mais en République Populaire du Laos, on n'en est pas à une contradiction près.





Apres Vientiane, le paysage change radicalement. Les pains de sucre qui donnent toujours un peu l'impression d'être poses, bêtement, par une main immense et invisible au milieu des rizières, se multiplient, au point de boucher tout l'horizon de leurs formes extravagantes. C'est la saison des pluies au Laos et les formes mystérieuses des massifs sont toutes enveloppées de brume. Parfois le voile se déchire et l'un d'entre eux apparait, plus imposant qu'on l'aurait imagine. Et ces monstres de pierre semblent soudain si vaporeux, si délicats. Nous roulons dans une estampe, sur du papier de soie que l'on aurait presque peur de froisser, de déchirer. Nous roulons en suffocant, la route monte dur, pour mieux nous rappeler surement que rien n'est acquis, et que chaque fois que nous voudrons nous perdre dans ce paysage d'elfes et de fées, il faudra le mériter.






Et puis soudain m'y voila. Aux portes de la Chine. J'y arriverai donc ? Oui, mais seule. Et à Luang Prabang, a un pas de l'Empire, je titube et j'hésite, effrayée par ce géant qui m'attend et par la solitude qui m'étreint de nouveau. Et comme a la frontière iranienne, je sens que plus qu'un pas en avant c'est un nouveau saut dans le vide que je dois faire.
Mais le dernier.




5 commentaires:

  1. Céline et Olivier27 août 2012 à 10:45

    Salut Juliette,
    te voilà arrivée aux portes de ton but... Quel bonheur de te lire et relire... Savoure tes derniers mois et fais nous encore rêver un peu! On a vu tes parents qui nous ont raconté vos retrouvailles au Laos, super contents! Gros bisous et plein de courage
    Céline et Olivier

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  2. Toujours très heureux de te lire!
    J'espère que tu vas bien et qu'on se reverra prochainement!
    Bisous

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  3. En te lisant, j'imagine toujours le vent de la liberté sur ton visage lorsque tu pédales. C'est l'un des plus beaux voyages dont j'ai entendu parler.

    Flore

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  4. en espérant que tu aies passé un chouette été entourée de ta famille!!!je t’espère rebooster et prête à pédaler!!!; )gros bisous Jujuuuu!!!

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  5. Je suis toujours avec autant de passion tes aventures, j'espère que les retrouvailles estivales t'ont regonflée pour repartir pour cette dernière aventure, et pas des moindres !
    Continue à nous faire partager tes impressions, tes récits pleins de sensibilité témoignent de ton immense curiosité.

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